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Renault Espace : un défi permanent

Renault Espace, le monospace le plus vendu en France devrait connaître sa cinquième version à l’occasion du mondial de l’automobile (du 4 au 19 octobre). Touslesbudgets.com revient sur trente ans d’un parcours étonnant dans la gamme Renault. Un voyage dans le temps guidé par Jean-Louis Loubet, spécialiste de l’histoire automobile.

Espace I (1984-1991) : « Un pari énorme »

« Cette année-là -en 1984-, le marché automobile connaît une crise au moins aussi violente qu’aujourd’hui, rappelle Jean-Louis Loubet. Renault traverse une crise structurelle très importante mais ose lancer une voiture qui sort des sentiers battus. » Le défi est de taille, car le marché du monospace n’existe pas en France à l’époque. Et l’Espace sort en même temps que la berline haut-de-gamme (la R25) et l’utilitaire au grand coffre (Trafic) de Renault. La marque au losange tente « un énorme pari, celui du métissage entre le haut-de-gamme, l’utilitaire et le break, insiste le spécialiste. La volonté première était de « berliniser » au maximum cette voiture tout en recréant le chez-soi ».

Sans réel équivalent, l’Espace déteint avec ses sièges pivotants… et son prix élevé pour l’époque, plus de 100 000 francs (comme la R25). Les débuts sont catastrophiques : neuf exemplaires vendus lors du premier mois de sa commercialisation. La suite sera plus heureuse avec, au final, 191 674 Espace écoulés en sept ans (27 382 par an). Avec des objectifs de production sur cinq ans atteints au bout de trois ans et demi, Renault a réussi son pari, d’autant qu’aucun constructeur, pendant près d’une décennie, n’osera lui emboîter le pas sur le marché naissant du monospace, car « tout le monde pensait qu’il était trop étroit ».

Espace II (1991-1996) : La confirmation

Cette deuxième version de l’Espace, toujours produite dans les usines Matra de Romorantin (Loir-et-Cher) et Renault de Dieppe (Seine-Maritime), reste fidèle à son prédécesseur. « Il n’y a pas de grandes différences à l’intérieur, où l’on retrouve les sièges pivotants et les trois rangées de sièges », confirme Jean-Louis Loubet. On note, coté moteur, l’arrivée d’un V6 de 153ch (avec boîte automatique en option).

A l’extérieur, en revanche, la silhouette a changé : l’Espace II est plus large, plus haut et plus long. Et ses formes se sont arrondies. « Le design léché reprend la calandre d’une Clio. On a voulu créer un air de famille, plus arrondi et adouci, toujours dans cette volonté de « berlinisation » du véhicule. » Un air de famille que l’on retrouvera chez Twingo et Scenic. La preuve, pour notre spécialiste, que l’Espace « est venu créer toute une segmentation de véhicules ». Cette deuxième version surfe  sur la bonne lancée de sa devancière et s’écoule à 316 518 exemplaires sur cinq ans, soit 63 303 chaque année.

Espace III (1996-2002) : La consécration

L’Espace aborde le virage du troisième millénaire en faisant une nouvelle fois peau neuve. L’extérieur change encore (toujours plus long et large), mais, cette fois, c’est à l’intérieur que s’opère la révolution. « Le moteur de l’Espace II était positionné dans le sens de la marche, prenant donc beaucoup de place en longueur, rappelle Jean-Louis Loubet. Or l’Espace III a un moteur transversal qui, parallèle aux roues, permet de gagner en habitabilité sans allonger la voiture. » Autre changement, contrairement aux deux premières versions, le tableau de bord est conçu par des designers, avec des boutons et des indicateurs plus discrets.

A noter l’apparition d’une version « rallongée » de 27 centimètres, « qui permet aux familles qui utilisent les trois rangées de sièges d’avoir un coffre à bagages. La voiture devient alors un lieu d’habitation ». La carrosserie, faite de matières composites avec un capot avant en taule, séduit 71 200 acheteurs en 1999 (record à l’année, toutes générations confondues) et 365 200 en 6 ans, soit 60 866 par an. Les ventes montrent les premiers signes d’une baisse appelée à durer.

Espace IV (2002-2014) : La fin de l’âge d’or

Fait d’acier et d’aluminium, Renault Espace IV est désormais fabriqué uniquement dans l’usine de la marque au losange de Sandouville (Seine-Maritime). Le contexte, aussi, a changé : la concurrence est là. « Le problème d’Espace IV, c’est que sa programmation dure deux ans et que, pendant ce temps-là, le marché se retourne, avec l’apparition des SUV, explique Jean-Louis Loubet. Petit à petit, ces derniers grignotent des parts de marché. Mais l’Espace n’est pas boudé pour autant. »

Les ventes annuelles continuent pourtant de s’effriter, au point de tomber à 6 081 unités en 2012 (372 692 au total à fin 2013). « De 2004 à 2014, les ventes n’ont fait que baisser, constate le spécialiste. Mais l’Espace reste le premier monospace vendu en France. Le problème ne vient pas du modèle, mais du type de véhicule, qui est montré du doigt. La clientèle, toutes marques confondues, passe ou est passée du monospace au SUV. C’est une question de mode. »

Et maintenant ?

Une certitude : il y aura du nouveau du coté de Renault à l’occasion du prochain mondial de l’automobile à Paris (4 au 19 octobre). Y aura-t-il une cinquième version de l’Espace ? Renault ne confirme pas. En tout état de cause, le concept-car présenté lors du salon de Francfort, fin 2013, baptisé « Initiale Paris », devrait être le prochain Espace.

Un modèle plus compact à l’allure.. d’un crossover, entre monospace et SUV. Un sacré virage après trente ans d’une carrière déjà bien remplie. « C’est une longévité rare aujourd’hui où les renouvellements sont plus rapides, assure Jean-Louis Loubet. C’est le signe que l’Espace s’est bien adapté, que c’est un succès ». Malgré une carrière internationale très discrète, une curiosité chez Renault (qui réalise la moitié de ses ventes hors de France), qui ne l’a pas empêché de marquer son époque.

Benjamin Hay

*Jean-Louis Loubet est professeur d’histoire économique à l’université d’Evry-Val d’Essonne, directeur du laboratoire d’histoire économique, sociale et des techniques (LHEST), et chercheur à l’IDHE (CNRS). Il enseigne également l’histoire du secteur automobile à Evry, HEC, l’École nationale supérieure du pétrole et des moteurs, l’Institut supérieur du management et au Strate College Designers. Histoire de l’automobile, 2001, éditions Seuil, 576 pages, 26,40 euros.

©Wikimedia Commons/R.Stricker – Renault/P.Sautelet

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