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« Il reste des fidèles aux marques auto françaises »

Touslesbudgets.com : Comment a évolué la part de marché des voitures françaises ces dernières années en France ?

Bertrand Rakoto : Cela reste relativement stable, même si elles perdent du terrain chaque année (près de 30% perdus en 30 ans selon le Comité des constructeurs français d’automobiles, ndlr). Après un léger regain de forme sous l’effet de l’instauration de la prime à la casse en 2008, les voitures françaises représentent aujourd’hui un peu plus de la moitié des ventes (53.4% des ventes en France en 2013*, ndlr).

TLB : A quoi doit-on cette baisse ?

B.R. : A l’ouverture des frontières en Europe et dans le monde. Elles étaient fermées il y a quarante ou cinquante ans, et les constructeurs étrangers ne représentaient qu’une part infime du marché français. De la fin des années 1970 aux années 1990, les gammes se sont étendues et la concurrence est devenue plus importante. Les années 1980 ont notamment vu l’arrivée des marques japonaises en France, qui ont connu leur essor dans les années 1990. Puis se sont les coréennes qui sont arrivées dans les années 2000.

TLB : Pourtant, neuf des dix voitures les plus vendues en France en 2013 sont de marques françaises. Qu’est-ce que cela nous dit sur le rapport entre les Français et « leurs » constructeurs automobiles ?

B.R. : Qu’il reste encore beaucoup de fidèles aux marques françaises. Cela s’explique sûrement par un coté un peu « patriote » et par la fidélité à une marque et à un distributeur. Cette relation avec le concessionnaire joue d’ailleurs un rôle très important. Mais cette fidélisation est de plus en plus compliquée à conserver car la concurrence est de plus en plus acharnée. Le niveau actuel de parts de marché des constructeurs français en France est en cela tout à fait logique pour un pays où il n’y a que trois marques -Renault, Peugeot et Citroën. En Allemagne (environ 70% du marché détenu par les marques nationales*, ndlr), par exemple, il y a plus de marques qui couvrent plus de segments différents, avec beaucoup de tarifs différents. Enfin les populations plus jeunes sont plus volatiles en matière d’achat et pas seulement en France. Cela s’explique par des raisons culturelles : en France, à l’époque de nos parents, il y avait 80% de voitures françaises.

TLB : On reproche parfois aux voitures françaises d’être plus chères que les autres. Est-ce vrai ?

B.R. : Pas nécessairement. La concurrence est assez bien répartie à ce niveau : à équipement comparable, les prix sont souvent proches. Nous sommes dans un marché commercial de crise. Avant la crise, il y avait des offres, des rabais de temps en temps. Depuis la crise, il y en a tout le temps. Dans ces conditions, il est plus compliqué de se démarquer.

TLB : Quelle vision ont les Français des marques automobiles françaises ?

B.R. : En général, ils en ont plutôt une bonne en tant que marques généralistes, sinon elles n’auraient pas plus de 50% de parts sur un marché où 75% des constructeurs sont généralistes. Les marques françaises gardent une longueur d’avance sur la concurrence. La preuve : Volkswagen est la quatrième marque en France, mais le trio de tête -Renault, Peugeot et Citroën- est loin devant.

TLB : Les Français sont-ils attachés au « Made in France » dans le domaine de l’automobile ?

B.R. : La France ne cultive pas le réflexe du « Made in France » en matière automobile. On le voit d’un bon œil, mais si Volkswagen propose 4% de remise en plus, on achètera plutôt chez eux. De plus, beaucoup de modèles des marques françaises sont en production partagée entre plusieurs pays. Le « Made in France » est donc assez illusoire, dans la mesure où les constructeurs français demandent à leurs fournisseurs de produire des pièces à l’étranger pour moins cher et que 50 à 75% de la valeur d’une voiture est contenue dans l’achat de ces pièces.

TLB : Quelles sont les perspectives d’avenir pour les marques françaises ?

B.R. : L’intérêt des constructeurs français n’est peut être pas de conserver des parts de marché élevées en France. Il faut être beaucoup plus performant à l’étranger, car le marché est mondial, or on a trop longtemps géré le marché français depuis des bureaux en région parisienne sans s’occuper du monde. Les constructeurs français ont peut-être intérêt à lâcher un peu de lest en France et ne pas faire que des voitures adaptées au marché national. Renault, par exemple, y arrive déjà (un peu plus de la moitié de ses ventes hors d’Europe en 2012, ndlr).

Propos recueillis par Benjamin Hay

*Données Comité des constructeurs français d’automobile

Illustration Wikimedia commons/A.Meyer

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