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Un rapport parlementaire paru en décembre dénonce le « marketing genré », pratique qui consiste à différencier les prix en fonction du sexe du consommateur. Touslesbudgets.com a voulu savoir si le passage en caisse est plus douloureux pour les femmes que pour les hommes.
Une étude américaine* révèle qu’aux Etats-Unis, une femme dépense en moyenne 1 000 dollars par an de plus qu’un homme (sur une trentaine de catégories de produits différents). En France, un tel chiffre n’existe pas encore mais une première enquête, ciblant trois produits phares et trois services, vient d’être publiée. « On salue cet effort, mais il faudrait continuer en établissant un panier moyen et en ajoutant les services où la discrimination est flagrante comme le coiffeur ou le pressing », détaille Juliette Melba du collectif féministe Georgette Sand.
Cette enquête dénonce plus particulièrement le « marketing genré », une pratique des industriels qui vise à différencier les prix en fonction du public féminin ou masculin. Ainsi, certains déodorants sont plus chers pour les femmes (jusqu’à trois euros de plus pour ceux qui contiennent de l’alcool) tandis que d’autres (sans alcool) sont 7 à 12 % moins chers pour elles que pour les hommes. Sur les crèmes hydratantes, les écarts varient uniquement en défaveur des femmes, de 1,17 à 8,66 euros. Quant aux rasoirs féminins, ils sont moins coûteux (jusqu’à 12 %) que les rasoirs pour hommes chez les marques de distributeurs (à l’exception de Monoprix), tandis que du côté des marques, ils coûtent en moyenne un euro de plus.
« Quand on interpelle les responsables marketing, ils disent répondre à la demande et ne pas faire de différences hommes/femmes. En réalité ils s’appuient simplement sur les stéréotypes pour gagner de l’argent », constate Juliette Melba. Des stéréotypes qui ont la peau dure : une femme s’y connait mieux en produits de beauté, elle doit avoir plus de choix et des prix plus élevés. Face à ce constat, le collectif féministe invite fortement à « se servir au rayon homme car les composants sont parfois identiques, dans les crèmes par exemple. Et un rasoir reste un rasoir peu importe le packaging ».
Une discrimination chez le coiffeur
Côté services, le rapport parlementaire s’est penché sur les différences de tarif supposées d’un déménageur ou d’un serrurier en défaveur des femmes. Peu d’écarts constatés à ce niveau. Pourtant parmi les services les plus « discriminatoires » régulièrement mentionnés par les associations féministes, le pressing et le coiffeur arrivaient en tête. En France, un shampoing et une coupe coûtent en moyenne 20 euros pour un homme contre 34 euros pour une femme (chiffre Insee 2014), même avec les cheveux courts ! « Il serait plus judicieux d’établir des tarifs en fonction du temps et du travail effectué comme c’est déjà le cas dans certains Etats américains », souligne Juliette Melba. Et encore une fois, les stéréotypes sont tenaces, « une femme va plus souvent chez le coiffeur, c’est une forme d’injonction, un homme avec des cheveux grisonnants ce n’est pas grave alors que dans l’autre sens les cheveux gris ce n’est pas sexy », ajoute-t-elle.
Des coûts « parfaitement irréductibles »
Il ne suffit pas pourtant de choisir ses produits au rayon des hommes et de résister à la pression de l’apparence (dépenses en maquillage, coiffeur, anti-rides…) pour avoir les mêmes dépenses que les hommes. Certains coûts sont « parfaitement irréductibles », selon Juliette Melba. C’est le sujet de la polémique sur la « taxe tampon ». Depuis le 1er janvier 2016, la TVA sur les protections périodiques est passée de 20 à 5.5%, car considérées comme des produits de première nécessité. Sauf que les prix des tampons, serviettes hygiéniques et coupes menstruelles n’ont pas tous baissés pour autant. A noter que le collectif Georgette Sand estime la dépense d’une femme en protections intimes au cours de sa vie à 1 500 euros.
Parmi les autres coûts liés à la condition féminine, on retrouve les frais médicaux. La membre du collectif énumère ainsi : « La visite chez le gynécologue qui représente des frais non négligeables, tous comme les moyens de contraception dont les recherches sont toujours concentrées sur les femmes, permettant à l’homme de s’exempter de ces frais. »
Si des efforts sont en cours du côté des pouvoirs publics, le chemin est encore long pour que les 34 millions de Françaises – qui au passage, gagnent en moyenne 19 % de moins que leurs homologues masculins selon l’Insee – puissent faire des économies.
* From Cradle to Cane : the cost of being a female consumer, étude menée par la ville de New York publiée le 18 décembre 2015.
** Enquête de la Direction générale de la concurrence, la consommation et la répression des fraudes (DGCCRF) remise au secrétariat d’Etat chargé des Droits des femmes et à celui de la Consommation. Ce rapport sur les différences de prix entre certains produits et services selon le genre a été remis au Parlement le 18 décembre 2015.
Marine Couderette – © Korta – Fotolia.com