A l’heure où l’âge moyen de l’acheteur d’un véhicule neuf en France recule (54 ans, + trois ans en cinq ans), le cabinet Deloitte s’est penché, au travers d’une étude, sur les attentes de la « génération Y » (19-31 ans) envers l’automobile de demain. Touslesbudgets.com a rencontré Gilles Crunelle, associé Deloitte responsable de l’industrie automobile et de l’étude, qui nous en détaille les principaux enseignements.
Touslesbudgets.com : La génération Y s’intéresse-t-elle autant à la voiture que ses aînées ?
Gilles Crunelle : Les jeunes, aujourd’hui, utilisent un peu moins le véhicule individuel, mais ont le même appétit et la même ambition face à la voiture. Pour preuve, ils sont 61.2% à projeter d’en acheter une dans les cinq prochaines années. C’est une génération qui ne délaissera pas la voiture et ne l’aime pas moins, car c’est une génération de crise et de contrainte. On pense ce que l’on veut du véhicule individuel, mais pour une majorité de cette génération Y, il reste une contrainte et une obligation.
TLB : Sur quoi se fixent leurs attentes quant au véhicule de demain ?
G.C. : La génération Y attend beaucoup du rapport qualité/prix, car le premier frein à l’achat reste le coût du véhicule, pour 57% des sondés. Soit 5% de plus que pour les générations précédentes, ce qui n’est pas rien. L’autre grande attente porte sur la praticité de la voiture. Pour 36% des jeunes interrogés, le plaisir de conduite est l’un des critères principaux d’achat -contre 28% auparavant-.
TLB : Sont-ils plus exigeants sur l’équipement en nouvelles technologies ?
G.C : A la différence des ses aînées, la génération Y conçoit déjà la voiture comme un objet technologique et, parmi elle, plus de la moitié considère qu’aujourd’hui, le niveau d’équipement technologique des véhicules est insuffisant. Sur ce point, leurs attentes se portent d’abord sur la sécurité : à plus de 70%, ils exigent des technologies qui leur permettent d’améliorer le comportement routier du véhicule. Et donc qu’un certain nombre de technologies présentes actuellement sur des véhicules premium -aides au freinage, caméras de recul…- soient disponibles demain sur tous les véhicules. Ils veulent ensuite plus de connectivité, avec une vie numérique qui continue dans la voiture, au travers d’innovations qui les aident en tant que conducteur -informations sur le trafic, sur le trajet où l’on consommera le moins…-.
TLB : En somme ils souhaitent, à l’avenir, une voiture mieux équipée sans payer plus ?
G.C. : Ce n’est pas tout à fait ça. Certes, 28% ne veulent pas débourser un euro de plus pour une une voiture mieux équipée, mais les précédentes générations étaient à plus de 40%. Dans le cas de la génération Y, une partie a bien intégré qu’une voiture plus innovante allait coûter plus cher. Pour cela, environ un tiers est prêt à dépenser entre 100 et 1 000 dollars (80 à 800 euros, ndlr) supplémentaires.
TLB : Le processus d’achat du véhicule va-t-il, lui aussi, évoluer ?
G.C. : Il ressort que pour 90% des 19-31 ans, le conseil le plus crédible vient de la famille et des amis, contre 30% des réseaux sociaux. On note aussi une grande importance de la communication digitale : les sites de constructeurs, les blogs ou avis d’experts pèsent dans le choix du véhicule pour 71% des sondés. Cela prouve bien que l’image que se fait cette génération sur le véhicule est très importante : au moment d’acheter, 58% ne considèrent que trois marques. C’est énorme, quand on sait qu’en France, dix marques représentent plus de 3% du marché.
TLB : Dans ce cas, à quoi sert le passage en concession ?
G.C. : La génération Y ne veut pas faire la tournée des concessions le dimanche, mais au contraire y passer le moins de temps possible, ne pas négocier et essayer le véhicule. Si l’on va dans une concession, c’est que l’on veut acheter. On ne s’y rend que pour chercher une validation de ses choix.
TLB : Que pensent-ils des motorisations alternatives (électrique, hybride…) ?
G.C. : C’est un marché qui, pour eux, n’existe pas à l’heure actuelle. Mais un sur deux affirme être prêt à s’y mettre dans les cinq ans à venir. Ils sont même 85% à dire qu’ils sont prêts à payer plus cher, en moyenne 1 400 euros, parce qu’ils pensent que cela leur coûtera moins cher à l’utilisation -pour 41% d’entre eux-. Sachant que 80% d’entre eux estiment que le prix de l’essence est un frein à leur mobilité. Ils ont certes une conscience « écolo », mais ils sont un peu plus portés vers l’économie que l’écologie.
Propos recueillis par Benjamin Hay
*Étude menée dans 19 pays auprès de plus de 23 000 consommateurs dont 1 000 en France. Données collectées en France analysées par les étudiants de Dauphine, Centrale et l’ESSEC.